
Veau sous la mère, source FNSEA
Dans toute étude d’évaluation environnementale de produit, qu’elle soit multi-critère comme l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) ou centrée sur les émissions de gaz à effet de serre comme l’empreinte carbone, la définition de l’unité fonctionnelle est déterminante.
Il s’agit en effet de préciser à quel service se rapportent les émissions et consommations consolidées dans le bilan environnemental. C’est sur la base de l’unité fonctionnelle que des produits différents offrant un service comparable pourront être comparés d’un point de vue environnemental.
Dans le cas d’une peinture par exemple, on retient la définition suivante de l’unité fonctionnelle « recouvrir de façon opaque une certaine surface de mur intérieur pendant une durée déterminée, par exemple recouvrir de façon opaque 1 m2 de mur intérieur pendant 5 ans ». Si la peinture A nécessite deux couches alors que la peinture B n’en nécessite qu’une seule, les quantités de peinture à prendre en compte dans le calcul de l’ACV seront établies sur la base de cette équivalence et influeront sur le bilan comparé des deux peintures.
La définition de l’unité fonctionnelle est toujours délicate, et doit être traitée avec d’autant plus de soin qu’elle influence grandement les résultats. Dans le cas des produits alimentaires, cette question est encore plus difficile que dans la plupart des secteurs industriels. Le groupe de travail en charge de l’affichage environnemental sur les produits alimentaires, le GT1 de la plate-forme ADEME AFNOR sur l’affichage environnemental, bataille avec cette question et n’a pas encore publié son guide méthodologique sectoriel.
En effet, quel est le service rendu par un aliment, par exemple une portion de veau du Segala? On pense à l’apport énergétique, classiquement calculé en calories, aux apports en protéines, graisses et sucres. Pourtant notre assiette est difficilement réductible à un tableau de chiffres sur les apports alimentaires. Si je choisis de manger du veau du Segala, c’est peut-être aussi pour le goût? Et comment intégrer cette notion dans l’unité fonctionnelle? Si l’on arrive à définir une échelle de goût pour le veau, avec un panel de dégustateurs, est-ce que l’on pourrait considérer qu’un kilogramme de veau de qualité gustative 2 est équivalent à 500 g de veau de qualité gustative 4? Ou bien les deux produits sont-ils simplement non comparables?
La question est d’importance, car si l’on s’en tient à l’empreinte carbone, le veau du Segala, au kilo, affichera une empreinte bien supérieure à celle du veau moyen élevé en France dans des conditions plus « industrielles ». De la même façon que le fromage de chèvre de Rocamadour affichera un bilan plus lourd que le fromage de chèvre « industriel ».
Ces filières attachées aux terroirs et à la culture (pas agri mais culture tout court) génèrent pourtant d’autres bénéfices environnementaux, difficilement captés dans les bilans ACV et empreinte carbone, notamment au niveau de la biodiversité, du maintient des paysages… et d’autres bénéfices de développement durable, sociaux, économiques et culturels.
Il est sans doute souhaitable de considérer comme non comparables des produits dont la performance gustative est très différente, et de chercher à étendre, si l’on souhaite les évaluer, le spectre des indicateurs bien au delà de l’empreinte carbone, à la fois vers d’autres indicateurs environnementaux et vers des indicateurs sociaux, économiques et culturels. Vaste chantier, mais le veau du Segala le mérite bien!