La consommation, c’est bon, mais au delà d’un certain seuil, elle nous empoisonne peut-être. Comment rendre durable notre consommation sans générer de frustration ? Equation impossible ? Peut-être pas, si l’on s’inspirait des régimes « détox » qui nous promettent de débarrasser l’organisme des toxines…
Il ne s’agit pas de rejeter la consommation, ni de nier le plaisir qu’elle nous procure : il est bon d’avoir un toit et un foyer agréables pour sa famille, il est bon d’avoir un régime varié qui nous maintient en bonne santé, de pouvoir partager entre amis de bons repas, de se vêtir en exprimant notre humeur du jour, notre appartenance à un groupe social, ou notre différence. Bon également d’appuyer ses activités professionnelles ou de loisir sur des produits qui les rendent plus faciles, plus efficaces, plus rapides, plus satisfaisantes…
Pourtant, la consommation de biens matériels a connu un développement extraordinaire au cours des cinquante dernières années, le nombre d’objets personnels que nous avons à disposition dépasse largement celui d’un monarque comme Louis XIV en son temps. Au point qu’aujourd’hui, il est temps de se demander si ces objets ne nous empoisonnent pas la vie, et ce de différentes façons :
- littéralement, c’est à dire chimiquement, soit par l’émission de substances toxiques émises lors de leur production, ou pendant leur usage (le dégazage des textiles dans la maison, des pièces plastique dans la voiture), soit par l’émission de gaz à effet de serre qui menacent l’équilibre climatique de la planète;
- physiquement, par l’encombrement qu’ils génèrent : nos placards sont pleins, nos logements et leurs dépendances (greniers, garages) regorgent de produits en attente d’utilisation, des centres de stockage offrent même la possibilité de stocker des biens hors de chez soi; l’obésité est une autre forme d’accumulation qui renvoie la même image;
- psychologiquement et socialement, la consommation de biens nous aliène, le temps nous échappe, nous travaillons plus pour gagner plus et satisfaire les besoins générés par la publicité, les media, la société dans son ensemble, pour aussitôt désirer autre chose une fois le nouveau bien acquis; nous prenons à peine le temps d’en profiter, entre le temps de travail, le temps de shopping, le temps de rangement et d’entretien de nos biens, nous n’avons plus de temps pour socialiser, nos liens sociaux se distendent
- au niveau de l’être, de sa relation aux autres et au monde, cette hypertrophie de la consommation risque de nous conduire à ne plus accorder de valeur qu’à ce qui se vend ou s’achète, qui se pèse et se soupèse, à ce qui est matériel, d’où un sentiment de perte de sens, puisque l’on sait bien que l’essentiel ne s’achète pas.
Dans ce contexte, comment « détoxifier » notre consommation ?
D’abord en choisissant des produits moins toxiques, soit directement à l’usage, soit affichant un bilan environnemental allégé sur l’ensemble de leur cycle de vie, depuis leur production jusqu’à leur fin de vie. Cela ne sera cependant pas suffisant; un récent rapport de l’ADEME rappelle les méfaits de l’effet rebond : la croissance en volume de la consommation compense plus que largement les progrès unitaires réalisés sur leurs performance environnementale, pour conduire in fine à une plus grande pollution.
Ensuite, en nous allégeant. Cela relève tout aussi bien des démarches de « simplicité volontaire« , que des pratiques de vente et d’achat sur EBay, ou les vide-greniers et autres « garage sales ». Ce peut être aussi le passage de l’achat d’un véhicule à l’adhésion à un service d’auto-partage.
Un autre moyen de détoxifier notre consommation consiste à exercer et à aiguiser notre regard critique par rapport à chaque achat : que va t il nous apporter comme plaisir, comme contraintes ? Cela demande une vraie volonté, dans un monde accéléré où l’on fait ses courses… en courant! Ce peut être l’occasion d’échanger avec d’autres citoyens consommateurs critiques, pour renforcer notre détermination et partager nos expériences.
Enfin, il sera utile de redonner de la valeur à toutes les activités non marchandes susceptibles de donner du sens à notre existence : bénévolat, activités culturelles et artistiques partagées, sport, peut-être même réapprendre à ne rien faire.
Dans ce projet, on le voit, le rapport au temps est structurant, et il se pourrait bien que la consommation durable rencontre les démarches de ralentissement prônées dans différents domaines, comme le « slow food » ou les « slow cities »…